(Résumé)
Source éditions IVT: Tome 1, introduction à l’histoire et à la grammaire de la langue des signes, année 2010
Je consacrerai des articles réguliers aux grands sourds de France et à un peu d’histoire des sourds, ici : https://www.des-signes-pour-des-mots.fr/histoire-et-culture-sourde/
Quelques dates importantes de l’histoire des sourds
L’histoire des sourds est riche, elle est présentée ici en résumé avec quelques dates et personnages importants.
Au moyen-âge
Il y a très peu d’informations sur la condition des sourds du moyen-âge.
On suppose qu’un sourd isolé dans un village était toléré, juste informé du minimum.
S’il existait des familles de sourds, on suppose également qu’un langage était instauré pour que les membres se comprennent. N’ayant pas d’instruction, les sourds n’ont pas eu la chance de se développer intellectuellement et socialement. Il existe quelques écrits de prêtres confirmant l ‘existence d’un langage.
17ème-début 18 ème
Les prêtres éduquent les enfants sourds des familles riches. Ils leur apprennent à oraliser dans le but de leur enseigner le français oral et écrit. Pour la communauté enseignante, les gestes ne peuvent pas traduire la pensée humaine, seule la parole le peut. Nous sommes dans un siècle où une personne est bien éduquée si elle s’exprime bien. Aristote a dit : « pas de parole, pas de pensée. »
Cependant, les sourds ont déjà une langue structurée mais on ne sait comment elle est apparue, ni quand, ni où.
1760
L’Abbé de l’Epée rencontre 2 enfants, des jumelles sourdes qui communiquent entre elles au moyen de signes très élaborés et structurés.
Dès lors, il crée une école gratuite chez lui qui accueille des enfants sourds. Il écrit un ouvrage révolutionnaire où il établit que les signes peuvent traduire la pensée humaine, les idées. C’est le premier enseignant à baser l’instruction sur la gestuelle à l’aide de la langue des signes, à s’occuper des sourds dans le respect.
Il crée les signes méthodiques, une méthode qui a ses limites car linéaire, contrairement à la langue des signes qui est corporelle et spatiale. Les élèves ne comprenaient pas les mots qu’ils savaient si bien écrire.
Grâce à lui :
# la communauté sourde a une réelle reconnaissance,
# en 1789 son école devient l’institut national des sourds, (actuel Institut Saint Jacques à Paris)
# dès 1791 les sourds bénéficient des droits de l’homme, (accordés par l’assemblée nationale en 1791 pour honorer le dévouement de l’abbé auprès des sourds)
1789 à 1816
A la mort de l’Abbé de l’Epée, les directeurs de l’institut se succèdent, tantôt en faveur de l’oralisation, tantôt en faveur de la langue des signes. Les écoles se multiplient en France.
Des professeurs sourds se démarquent comme Jean Massieu qui forma Laurent Clerc, parti aux USA monter une école de sourds et exporter la LSF.
C’est aussi la période où Itard, médecin chef à l’institut se livre à des expériences chirurgicales sur les sourds en vue de les guérir et de comprendre la surdité.
1816
Un tournant voit le jour, Bébian, professeur entendant, propose l’enseignement bi-lingue.
Il voit que l’instruction des sourds ne peut pas faire abstraction de leur langue naturelle maternelle. Ceci donne la légitimité aux professeurs sourds.
Les écoles de province l’adoptent.
Début 19ème
La communauté sourde prend conscience de sa culture. Les sourds se rapprochent des écoles, leur culture grandit, ils assument des responsabilités, forment des associations.
En 1824, Ferdinand Berthier, professeur sourd se fait le grand défenseur des droits des sourds.
Il fonde en 1834 le Comité des Sourds-muets, en 1850 la Société d’Education et d’Assistance des sourds-muets.
Il continue d’étudier et d’analyser la LSF.
1831
A Paris les professeurs tendent à enseigner exclusivement la LSF. Les oralistes se sentent provoqués (et agiront en évinçant les sourds au Congrès de Milan). Plusieurs raisons causent la perte de l’usage des signes dans les écoles:
-le duel qui oppose les oralistes aux gestualistes,
-la loi Jules Ferry qui tend a uniformiser les méthodes et les outils pédagogiques,
-trop de professeurs entendants,
-la croyance que la technologie médicale guérirait les sourds…
1880
Le Congrès de Milan a lieu sans délégation sourde, sans professeur sourd pour représenter la communauté. Tout a été fait pour les évincer de sorte que le Congrès a voté pour “interdire” l’usage et l’apprentissage de la langue des signes dans les écoles et les endroits publics.
Les sourds devront oraliser.
Les professeurs sourds doivent démissionner.
Au fils des ans, la communauté sourde évolue peu socialement, ce qui a pour conséquence le chômage, le repli sur elle-même.
Mais la LSF est pratiquée dans le milieu familial, dans les associations, les foyers, les clubs sportifs…
Cette situation va durer 100 ans.
1977
Les événements de mai 1968 a permis la sensibilisation aux différences, le droit à la diversité et le réveil des consciences.
Le sursaut et le réveil de la communauté sourde est naît de :
-l’abrogement de “l’interdit”
-la création d’IVT (International Visual Théâtre) crée par l’ américain Corrado qui permet la rencontre des sourds,
-la montée du théâtre gestuel,
-animations destinées aux enfants sourds,
-études sur la LSF menées par des chercheurs linguistes.
1991
La loi Fabius autorise l’apprentissage de la LSF pour l’enseignement des enfants sourds.
L’enseignement bilingue est repris, les élèves sourds sont intégrés en classe, des écoles spécialisées ouvrent.
Les associations ouvrent leurs portes aux entendants, des campagnes d’informations permettent une sensibilisation à la culture sourde. La langue des signes est médiatisée par des films, des pièces de théâtre.
2000
Enfin la Langue des signes est reconnue langue à part entière grâce à la loi du 11/02/2005.
De nos jours, il est proposé des cours de LSF, une option LSF au bac, des sous titrages à la télévision, quelques fois un interprète au journal télévisé.
Cependant, il reste des problèmes majeurs, tels que l’intégration des élèves sourds au collège, lycée, universités et hautes écoles, le manque d’interprètes lors de conférences, débats, discours politiques ou autres, l’accueil par des personnes bi-lingue en LSF, dans les administrations, les lieux publics, ect…
Conséquences de l’abandon de la langue des signes
Pendant longtemps, les jeunes sourds ne pouvaient pas avoir accès aux études. Dans le cadre du travail, les sourds ne pratiquaient pas la langue des signes.
Le développement des lexiques scientifiques s’est retrouvé ralenti, voire inexistant. Cependant, de nos jours, de nombreux dictionnaires apparaissent avec de nouveaux mots, bien véhiculés par internet.
Pendant 1 siècle, la LSF ne s’est pratiquée qu’au niveau local, très peu au niveau national, de ce fait, le vocabulaire peut être différent d’une région à une autre, d’une ville à une autre.
Ce ne sont que quelques conséquences les plus marquantes.
1 commentaire
Marilyn · 16 octobre 2020 à 9 h 33 min
Ces articles sont très intéressants, cela nous fait découvrir un pan de l’histoire du monde des sourds que l’on ne s’imagine pas toujours.
Cela nous ouvre les yeux sur leurs difficultés d’intégration dans la société, sur l’évolution extrêmement compliquée de la LSF.
Vraiment ces articles éveillent et comblent nos interrogations